What is love
baby don't hurt me no more« Ils sont là ! Ils sont là ! » Crie Rositsa d'une voix aussi inquiète qu'excitée et dans un bon Lerris ferme violemment son livre et cour la rejoindre à la fenêtre. Ça doit bien faire deux heures qu'elle guette comme ça, mais Lerris ne s'est pas moqué d'elle une seule fois. Après tout si on lui avait dit que la personne avec qui il allait passer le reste de sa vie pouvait arriver d'une minute à l'autre, lui aussi aurait passé la matinée, cloué à la fenêtre comme une bernique sur son rocher. En plus de cela il veut être près d'elle pour les dernières minutes d'enfance qu'il lui reste, il lui doit bien ça quand il sait que dans quelques semaines, il devra partir à Durmstrang et la laisser seule dans l'immense demeure familiale. Au milieu du long sentier qui va du portail ouvragé à la porte de la demeure Roskin, six personnes viennent d'apparaître à côté de la fontaine portoloin. Il y a un homme grand à l'air sévère, que Lerris a déjà vu sortir du bureau de son père une ou deux fois. À côté de lui se tient une femme blonde très belle, elle a les cheveux détachés et porte sur sa tête un chapeau pointu qui ferrait rougir de jalousie toutes ses sœurs. Devant elle, une fillette, tout aussi jolie, lui tient la main en souriant. Derrière eux, deux hommes vêtus tout de noir, s'occupent de leurs bagages et finalement, à côté de son père, droit comme un piquet et arborant un regard fier et sérieux, se trouve celui qui devait être le futur mari de Rositsa, Aodhán.
« Il a l'air méchant et pas marrant du tout » râle Rositsa en s'éloignant de la fenêtre l'air boudeur. Elle n'a que dix ans et si elle rêve du prince charmant, elle n'a aucune envie de se marier, ni d'être fiancer, du moins, pas maintenant qu'elle a compris que la vraie vie et les contes de fées n'ont jamais rien en commun.
« Il est peut-être inquiet lui aussi » se moque Lerris sans quitter le garçon des yeux
« si on me disait que je devais épouser un crapaud dans ton genre, je ferais cette tête-là aussi ! » Lerris se prend un grand coup dans les cotes et tombe du petit canapé près de la fenêtre. Il rit, écrasé par le poids de sa sœur qu'il l'assaille de chatouilles. Ils sont interrompus par une domestique qui leur demande de bien vouloir rejoindre le reste des Lennart-Roskin dans le hall, pour l'arriver des Hawks. Les enfants se lèvent et il ne sait pas pourquoi, mais soudainement, Lerris est stressé. Très stressé.
En bas des escaliers, tout le monde les attend déjà, placé en rang d'oignons. On dirait que toute la famille est là pour l'occasion, même Oskar qui étudie les dragons en Roumanie depuis trois ans. Il jette un clin d'œil amusé en direction des deux benjamins Lennart-Roskin, qui prennent place, Rositsa au centre et Lerris à côté de ses sœurs. Les portes s’ouvrent et tout le monde retient son souffle. Les Hawks pénètrent dans le manoir,
ils sont encore plus beaux de près, songe Lerris, mais il reste de glace et ne laisse rien paraître. Le repas qui suit les longues et fastidieuses présentations est encore plus long et fastidieux et Lerris se serait endormi si ce n'était pas pour le regard mystérieux d'Aodhán.
« Puis-je sortir de table ? » Demande finalement Rositsa après le deuxième désert, elle boude encore, Lerris peut le lire sur son visage. Bien qu'assise à côté de son fiancé depuis le début du repas, elle ne lui a pas lancé un regard, pas une parole et ça amuse beaucoup Lerris, installé en face d'eux.
« Moi aussi s'il vous plait ! » Supplit-il et en soupirant leur mère acquiesce
« Très bien, mais pourquoi ne pas proposer à Aodhán et sa soeur de se joindre à vous ? » Rositsa pouffe, elle se tourne vers le garçon et du ton le plus niais qu'elle a dans son registre demande en se courbant avec sarcasme
« Aodhán, mon cher, voulez-vous vous joindre à mon frère et à moi-même pour une partie de cache-cache ? » Le jeune homme a l'air destabilisé par cette proposition, mais il accepte et les quatre enfants quittent la table, la benjamine Hawks complètement surexcitée.
« Un... Deux... » Kendra sort de la pièce en courant.
« Trois... Quatre... » Lerris la suit et tourne à droite, vers les escaliers qui montent au boudoir de l'aile gauche.
« Cinq... Six... » Il sait que ce n'est pas la meilleure cachette du monde, il se cache toujours là, mais il a la tête ailleurs alors il court.
« Sept... Huit... » Il rentre dans la pièce, se glisse sous la table près de la cheminée et prend soin de bien remettre la nappe derrière lui.
« Neuf... Dix. » Quelqu'un pour la porte qui frotte contre la tapis ancien. Des pas feutrés se rapprochent de la table. Lerris ne dit rien quand la nappe se soulève et qu'apparait au lieu du visage de sa sœur, celui d'Aodhán.
« Oh pardon. » Dit-il avec un mouvement de recul. Lerris sourit timidement et répond
« non, non, c'est rien. Tu peux te cacher avec moi si tu veux. » Aodhán semble soulagé, il se glisse sous la table et les deux garçons se retrouvent face à face, seuls pour la première fois.
« Je m'appelle Lerris. » Murmure-t-il en tendant sa main à Aodhán.
« Je sais. » Répond celui-ci avec un sourire en coin. Lerris l'observe, il ne sait pas pourquoi, mais il trouve Aodhán intimidant, fascinant aussi.
« Tu vas épouser ma sœur. » Finit-il par dire pour briser le silence pesant.
« Excellent sens de l'observation. » Se moque Aodhán, mais le ton n'y est pas. Lerris encore une fois ne dit rien, que pourrait-il dire dans une situation comme celle-ci. Il ne voudrait pas être à la place de ce garçon, ni celle de Rositsa.
« Ne lui fait pas de mal, d'accord ? » « Je ne m'en souviens même plus... Du goût de ses lèvres, du son de sa voix. Je pensais que ça resterait à jamais gravé dans ma mémoire, mais j'ai oublié. » Normalement, Lerris évite d'y penser et encore plus d'en parler. Sa rupture avec Aodhan est encore trop fraîche, trop dure à digérer. Et puis peut-on même parlé de rupture ? Quand Aodhan et Rositsa, on mit fin à leurs fiançailles les deux jeunes hommes n'ont pas eut d'autre choix que de s'éloigner. Lerris, sous l'emprise de sa famille est resté cloîtré chez lui, son père lui a interdit tous contacte avec les Hawks et tout particulièrement avec son ancien gendre, Aodhan. Mais ce soir, il n'en peux plus, il a besoin de faire sortir toutes ces émotions qui lui déchirent la poitrine depuis des mois, il a besoin de se vider.
« C'est comme si toutes les années qu'on avait passées ensemble n'avaient servit à rien, comme si elles n'existaient même plus. » Il soupire, reprend une gorgé de bière au beurre et s'affale sur la table du petit salon, dans lequel lui et Rositsa avaient l'habitude de jouer quand ils étaient petits. Là où ils avaient aperçus Aodhan pour la première fois, il y a tant d'année, au milieu du sentier de la demeure Roskin.
« Ne dis pas ça Lerris, bien sûr qu'elles existent toujours. C'était réel. Mais il était ton premier amour, tu ne peux pas passer à autre chose comme ça. Personne ne s'attend à ce que tu le fasses. » Le rassure Rositsa, elle ne sait pas quoi faire pour remonter le moral de son frère, elle ne connaît pas toute l'histoire, elle ne sait rien de toutes ces nuits qu'ils ont passées enroulés l'un autour de l'autre à Durmstrang, elle ne sait rien de leurs jeux, de tout ce qu'ils ont partagé en secret, tant de choses jetées au néant à présent.
« Ça fait cinq ans Rosie, en cinq ans n'importe qui a le temps de passer à autre chose ! » Rétorque Lerris en se redressant. Il est sûr de lui, il se trouve pathétique, il voudrait mettre de côté tous ses sentiments et vivre une vie normale, mais Aodhan est là, toujours là.
« Tu es trop dur avec toi-même... » Le frère et la sœur restent quelque temps sans rien dire, Rosista scrute le visage de son frère l'air coupable. Elle sait que si elle avait épousé Aodhan comme prévu, Lerris ne serait pas sur le point de tout quitter encore une fois, de la quitter, mais comment aurait-elle pu se marier avec le grand amour de son frère, se marier avec quelqu'un qu'elle n'aimait pas de la bonne façon et avec qui elle avait si peu de points communs ?
« Je n'ai jamais compris ce que tu lui trouvais. » Lance-t-elle avec un sourire tout juste moqueur. Lerris met de côté sa contemplation de la fenêtre et pose son regard amusé sur sa petite sœur.
« Oh, c'est donc pour ça que tu fricotais avec lui quand tu avais treize ans ? » Elle rit et lève les yeux au ciel.
« Oui bon... C'est vrai qu'il était mignon. » Ils rient à nouveau tous les deux et quand leurs éclats se fadent et que l'atmosphère redevient sérieuse, Lerris demande.
« Pourquoi tu ne t'es pas marié avec lui ? » Rositsa réfléchit quelques secondes et répond sur le ton de la plaisanterie.
« Les petits cons, ça a toujours été ton style Lerris, pas le mien. Et puis qu'on me jette au filet du diable le jour où j'obéirais à nos parents. » Lerris hoche la tête avec approbation.
« J'ai toujours admiré ton individualisme. » Avoue-t-il. Rositsa prend une gorgé de sa bière au beurre et lui lance un clin d'œil malicieux.
« Et moi le tient. »Plus tard dans la soirée, quand Rositsa et Lerris passent de la table, au canapé moelleux disposé à côté de la bibliothèque, Rositsa lui murmure.
« Tu pourrais revenir, tu sais, définitivement, je veux dire. Papa ne t'en veux plus et tu manques à maman. » Lerris soupire. D'une certaine façon, ses parents lui manquent aussi, malgré tout ce qu'ils ont pu lui faire. Il voudrait bien revenir, rentrer à la maison et les laisser s'occuper de lui, les laisser lui construire une vie et rester passif, un imbécile heureux. Mais maintenant qu'il a goûté à la vie sur les routes, qu'il a découvert de nouvelles cultures, de nouvelles personnes, il sait qu'il ne pourra jamais vivre à nouveau dans cette maison, que le manoir Roskin restera pour toujours une chose du passé.
« Je n'peux pas. » Répond-il à moiter endormi. Rositsa baille contre lui et demande.
« Pourquoi ça ? » « C'est juste que j'ai trop de souvenirs ici. Je viens parce que je veux te voir, mais c'est tout. » Explique-t-il simplement. Lerris n'a pas le courage de rentrer dans les détails à l'heure qu'il est. L'alcool lui est monté à la tête et la fatigue rend son corps lourd et las, il est sur le point de s'endormir.
« Alors qu'est-ce que tu vas faire ? » Rositsa est inquiète, il le sait, mais elle essaye de le cacher. Lerris passe sa main dans ses cheveux pour la rassurer et en regardant sa valise près de la porte, il répond.
« Pas la moindre idée. »